Projet éducatif commun et territoires distincts : le rôle des chefs d’établissement dans le partenariat école-famille

Les relations entre l’institution école et les familles peuvent prendre de multiples formes, sont fluctuantes en densité, variables en substance et incarnées par divers professionnels de l’établissement scolaire. Parmi ceux-ci, les chefs d’établissement ont souvent une influence directe sur la politique des relations avec les familles.

La collaboration école-famille : un partenariat fragile dans un paysage en mutation

Le monde de la formation est aujourd’hui marqué par des enjeux liés à la recherche d’efficacité, à des réponses aux grandes enquêtes internationales comme PISA, à l’harmonisation scolaire d’un espace romand et d’un espace suisse de la formation, aux mouvements de décentralisation qui renforcent en partie l’autonomie des établissements scolaires. Parallèlement, nous assistons à une évolution de la professionnalité enseignante, à une division du travail éducatif de plus en plus marquée et à l’ouverture des établissements sur les communautés locales. Cela induit nécessairement des transformations dans les rapports école-famille.

Dans ce contexte, les établissements de formation fournissent tous de nombreux efforts pour améliorer la qualité de l’éducation et des apprentissages. Et certaines recherches internationales (UNESCO, 2006[1] ; Teddlie et Reynolds, 2000[2]) mettent en avant le fait que les écoles dites performantes présentent au moins deux caractéristiques principales qui touchent aux relations école-famille. Ces caractéristiques sont :

  1. un dialogue étroit entre les familles et l’école ;
  2. une compréhension partagée des objectifs et des finalités du système par l’ensemble des acteurs impliqués, soit non seulement les professionnels de l’école, mais également les parents.

Il semble dès lors fondamental pour l’école de considérer les parents comme de réels interlocuteurs et de coopérer à l’éducation et à l’instruction des enfants, dans le respect des rôles respectifs de chacun.

Une frontière floue pour une répartition claire des responsabilités

Si l’on sait que l’absence de relation de confiance entre parents et enseignants peut nuire à l’apprentissage (Bryk & Schneider, 2002[3]), il s’agit probablement d’aller plus loin qu’un simple accord de confiance pour construire une école de la réussite pour tous les élèves. Dans cette optique, garantir éducation et scolarisation invite donc à une gestion de l’espace entre famille et école qui favorise l’implication des familles tout en les maintenant à une certaine distance de la conduite de l’école. Il s’agit en quelque sorte d’entrer dans une dynamique de partenariat durable entre les différents interlocuteurs.

Cette dynamique suppose notamment une répartition claire des zones d’interventions et de responsabilités de chacun, ainsi que des modalités de partages et de régulations acceptés par chacun des partenaires. Voilà probablement le cœur de la difficulté : réfléchir à une gestion de l’espace entre famille et école qui favorise l’implication des familles, tout en les maintenant à une certaine distance de la conduite de l’école.

Changer sous le regard des parents

La responsabilité de développer une collaboration ajustée avec l’ensemble des partenaires, incombe en premier lieu à la directrice/au directeur qui est responsable du bon fonctionnement d’un établissement. Cette responsabilité est encore augmentée dans une organisation qui travaille quotidiennement sous le regard de l’opinion publique et plus particulièrement des parents d’élèves. Le chef d’établissement endosse ainsi un rôle de symbole (Mintzberg, 1984[4]) vis-à-vis de ces différents partenaires et doit assurer l’évolution de l’organisation tout en maintenant la qualité des prestations lors des changements nécessaires.

Et avec l’évolution de l’école ainsi que l’amenuisement des frontières entre l’école et la société, apparaît une perte de repères traditionnels pour certains enseignants. Cela appelle alors, pour les enseignants et les cadre de proximité, la construction d’un nouveau champ de compétences dans les relations avec les familles. Cet apprentissage se fait inéluctablement sous le regard et la surveillance quotidienne des parents. L’école qui doit rendre compte de son efficacité doit ainsi innover sous surveillance dans un champ relationnel où rien n’est sûr.

Les relations école-famille par le prisme de l’établissement

Le prisme qui invite à regarder les relations parents-enseignants ne met que rarement la lumière sur la dimension de l’établissement qui peut aussi teinter la collaboration école-famille. Cette dimension de l’établissement implique une stratégie et un plan de communication qui soient pensés globalement et dans lequel les enseignants viennent s’inscrire non plus avec des initiatives personnelles mais comme membres d’un collectif avec une dynamique de communication commune et semblable. Ces nouvelles démarches reposent toutefois sur les volontés et le leadership de la direction. Mais n’est-ce pas un peu utopique ?

Il est probablement important que la communication école–famille soit abordée dans la formation des enseignants, mais aussi dans la formation des directions d’école et qu’elle devienne un enjeu réel au sein des établissements scolaires. C’est ainsi aussi que l’institution scolaire pourra tendre vers des dynamiques et des stratégies de communication externe qui soient réfléchies et dépassent la logique managériale, qui veut parfois que les directions n’interviennent qu’en deuxième ligne si la communication se passe mal. L’idée est plutôt que les directions soient omniprésentes au travers d’un pilotage stratégique et opérationnel de la communication et que le partenariat avec les familles soit systématiquement travaillé au niveau des établissements.

Qui collabore avec qui ? Le rôle des directions dans le partenariat école-famille

La septième édition des 180’ de LEAD réunissait un représentant de la recherche avec le Professeur Jean-Paul Payet de l’Université de Genève, un représentant de l’Association vaudoise des parents d’élèves (APE Vaud), ainsi que deux directions d’école, a apporté des idées fraîches, pragmatiques et parfois idéales. Nous avons eu ainsi quatre regards complémentaires qui nous offrent une vision enrichie de ces relations entre une institution responsable de l’instruction et des familles toujours soucieuses pour le bien-être et la réussite de leur enfant.

Références

[1] UNESCO, Groupe inter-agences sur l’enseignement secondaire (2006). Les nouveaux rôles des chefs d’établissement dans l’enseignement secondaire. Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

[2] Teddlie, C. & Reynolds, D. (2000). The International Handbook of School Effectiveness Research. Londres : Falmer Press.

[3] Bryk, A. & Schneider, B. (2002). Trust in Schools : A Core Ressource for Improvement. New York : Russel Sage Foundation.

[4] Mintzberg, H. (1984). Le manager au quotidien. Les dix rôles du cadre. Paris : Editions d’Organisation.

Le présent texte est inspiré de la publication :

Perrenoud, O. (2015). Rôles des directions d’établissements dans les contacts école-famille. Dans B. André et J.-C. Richoz (dir.), Parents et enseignants. De l’affrontement à la coopération (p. 239-256). Lausanne : Editions Favre.