Contrôler le travail des enseignants : un nouveau rôle pour les directions

Les politiques de décentralisation et de rendre compte qui progressent dans le monde de l’école réinterrogent la problématique du contrôle du travail des enseignants. Face à cette question, les directions d’établissements scolaires revendiquent de l’autorité sur les enseignants tout en les invitant à se comporter en professionnels autonomes.

De nouvelles formes de contrôle ?

La quête d’efficacité de l’école, la gouvernance par les nombres et l’obligation de rendre des comptes peuvent mettre les professionnels en tension entre les règles formelles venant de la hiérarchie et des résultats mesurables à atteindre. Cette double contrainte plaide inévitablement pour la professionnalisation du métier d’enseignant et des cadres scolaires. Mais le contrôle ou l’évaluation des professionnels peut être autant un frein qu’un levier de développement des enseignants. Comment le contrôle peut-il alors être professionnalisant pour les enseignants ? La question invite à interroger les formes de contrôle qui peuvent contribuer au développement des compétences professionnelles comme au meilleur fonctionnement de l’institution scolaire. Le rôle des directions dans l’orientation des pratiques enseignantes et le développement professionnel des enseignants devient un enjeu à part entière. Car c’est bien là le premier rôle des chefs d’établissement ou de toutes les personnes participantes à l’encadrement au sein d’un établissement de formation.

Les chefs d’établissement face au contrôle du travail des enseignants

Le contrôle exercé par une instance hiérarchique est d’abord un acte de pouvoir. Si l’instance de jugement est légitime, reconnue comme tels par les contrôlés, alors le contrôle peut devenir une compétence reconnue de la hiérarchie. Au contraire si les cadres qui exercent le contrôle ne sont pas jugés légitimes pour le faire, sont controversés sur leur statut ou leurs compétences à exercer le contrôle, alors celui-ci devient vite une contrainte inutile ou une intrusion dans un espace considéré par l’enseignant comme relevant de son autonomie de professionnel. Le contrôle est alors contre-productif, même avec les meilleures volontés du monde de la part d’une direction d’école.

La question du contrôle est d’autant plus vive pour les directions, que des enjeux de positionnement et de légitimité se jouent aussi pour elles vis-à-vis de leur propre hiérarchie. Pour un corps professionnel encore en développement et majoritairement issu du milieu enseignant, il s’agit d’une rupture identitaire majeure, puisqu’ils se retrouvent avec une posture hiérarchique face à d’anciens collègues.

Une double régulation des prestations dans les établissements scolaires

Des recherches relèvent que les établissements qui sont considérés comme efficaces ont souvent un double système de régulation ou de contrôle. A l’intérieur de l’établissement, les professionnels sont eux-mêmes responsables de la qualité des prestations qu’ils dispensent, de son contrôle et des régulations jugées nécessaires. Ainsi, à plus petite échelle, une équipe enseignante pourrait être entrevue comme responsable non seulement des prestations fournies, mais également de la régulation et de l’amélioration des pratiques mises en œuvre. La direction d’école se limiterait alors à vérifier que l’équipe enseignante met effectivement en œuvre un système de régulation de la qualité des prestations d’enseignement. A l’échelle d’un établissement, le travail des enseignants pourrait se contrôler de manière collective dans l’établissement et le contrôle du contrôle s’opérerait par les directions générales sur la mise en place et le recours systématique à un système d’assurance qualité des prestations sous la responsabilité de la cheffe ou du chef d’établissement.

Un dispositif de contrôle au service du développement professionnel

Comme le précise Philippe Perrenoud[1], il semble opportun alors « de ne pas faire de l’évaluation des enseignants un dispositif de répression, donc une menace, mais une ressource, de la même manière qu’un check-up périodique est une ressource offerte aux patients par les services de soins » (2004, p. 223). En quelque sorte, il s’agit probablement de favoriser l’autonomie et la reddition de comptes par une auto et une co-évaluation des enseignants qui puisse déboucher entre autres sur des formations collectives et des projets d’établissement rassembleurs.

Dans ce sens et dans le cadre d’une société de la connaissance, les experts de l’OCDE[2] (2003) invitent les écoles à devenir des organisations apprenantes, c’est-à-dire des organisations dont les modalités de fonctionnement favorisent le développement professionnel de l’ensemble du personnel et permettent de relever les défis auxquels l’école est confrontée, tout en assurant une amélioration en continu du fonctionnement de l’organisation.

Le rôle des directions dans le contrôle du travail des enseignants

Lors de la première édition des 180 minutes de LEAD à la HEP Vaud, nous avons abordé ces questions de contrôle(s) du travail enseignant et du rôle des directions face à cet enjeu. Comment le contrôle est-il défini par la recherche dans une visée idéale et pragmatique ? Quels sont les leviers pour que le contrôle devienne une ressource pour les enseignants et une dimension à part entière de la politique d’un établissement scolaire ?

Autant de questions vives auxquelles nous avons apporté des réponses actuelles, ancrées dans les pratiques et qui ont inspirés celles et ceux qui nous avaient rejoint. Vous trouverez ici l’affiche et une brève synthèse de l’événement.

Références

[1]  Perrenoud, P. (2004). Obligation de compétence et analyse du travail : rendre compte dans le métier d’enseignant. Dans C. Lessard et P. Meirieu (dir.), L’obligation de résultats en éducation (p. 207-232). Québec : PUL et Paris : De Boeck.

[2]  OCDE (2003). L’école de demain. Réseaux d’innovation. Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes.  Paris : OCDE.